Le continent africain a pris à bras le corps ce que le monde appelle aujourd’hui la 4ème révolution industrielle. En effet, depuis quelques années, la révolution numérique transforme l’économie du continent.
L’Explosion du Mobile Money et de l’E-commerce en Afrique : Un Moteur de Croissance et d’Innovation
Le mobile et l’e-commerce enregistrent des taux de croissance défiant toute concurrence, on compte aujourd’hui plus de 630 millions d’abonnés uniques quand en 2013 il n’y en avait que 467 millions soit une augmentation d’environ 40 % d’après l’association internationale GSMA qui regroupe plus de 850 opérateurs de téléphonie mobile dans près de 218 pays. En Côte d’Ivoire par exemple, d’après l’Autorité de Régulation des Télécommunications les recettes de transactions perçues de Mobile Money représentaient plus de 16 Milliards FCFA (24 Millions d’euros) sur le dernier trimestre 2016 soit plus de 17 % par rapport au troisième trimestre de cette même année. Ces chiffres ahurissants mais bien réels ont été communiqués lors du forum de la monnaie et du paiement électronique à Casablanca au Maroc en fin mars 2017.
De plus en plus d’entreprises investissent dans des services digitaux mobiles pour répondre à des besoins spécifiques aux populations du continent Africain tels que le paiement des factures d’eau et d’électricité ou encore la réalisation de transactions financières.
Cependant, ces différentes applications nécessitent d’être développées avec des langages de programmation très pointus; il existe ainsi des méthodes de gestion de projets informatiques spécifiques à ces nouvelles technologies dite méthode agile
Genèse de la gestion de projet informatique
Depuis l’apparition de la gestion de projets informatiques traditionnelle empruntée au monde de l’industrie dite « Cycle en V » et basée sur des processus prédictifs (étude de faisabilité, rédaction du cahier des charges, modélisation et conception, développement, recette et mise en production), les DSI ont toujours mené leur projet en utilisant ces méthodes traditionnelles.

Source : Thèse professionnelle : L’intégration des méthodes agiles chez AXA;définition d’un cadre de référence et d’un kit de démarrage, AXA France, Mohamed Touré, Essec Business School, 2011
Dans les années 80, les nombreuses limites des méthodes traditionnelles (dépassement des délais et des budgets, développement de plusieurs fonctionnalités souvent non utilisées en production, effet tunnel lié au manque de visibilité sur la fin des travaux, etc.) ont donné naissance aux méthodes dites itératives (Spirale,RAD,RUP) qui ont permis de pallier certaines limites du cycle en V.

Source : Wikipédia les méthodes de gestion de projets informatique itératives
En 2001, dix-sept spécialistes du développement logiciel dont Ward Cunningham, l’inventeur du Wiki, ont défini un manifeste agile, constitué de quatre valeurs et de 12 principes fondateurs, qui a complètement redéfini la façon de développer des logiciels et se prêtant mieux aux développements des nouvelles technologies du digital et services digitaux.

Source : Thèse professionnelle : L’intégration des méthodes agiles chez AXA;définition d’un cadre de référence et d’un kit de démarrage, AXA France, Mohamed Touré, Essec Business School, 2011
Quelles sont les méthodes de gestion de projets utilisées par les entreprises en ASF pour développer leurs services digitaux ?
Les DSI en ASF sont-elles organisées en conséquence pour concevoir ces services qui deviennent de plus en plus vite obsolètes au vu de la rapidité de propagation et l’apparition rapide de nouvelles technologies?
1. De nombreuses difficultés à recruter des collaborateurs connaissant et/ou ayant travaillé au sein d’organisations agiles
En 2009, on estimait qu’environ 90 % des entreprises ne disposaient d’aucune équipe agile au sein des DSI en ASF. Ce chiffre a diminué et on ne parlait plus que d’environ 60 à 70 % en 2016. Ces profils qui sont donc de plus en plus recherchés depuis ces cinq dernières années sont difficiles à recruter. On constate aussi que très peu de professionnels détiennent des certifications agiles malgré le nombre d’organismes certificateurs qui ne cesse d’augmenter.
2. La majorité des entreprises en ASF sont encore très dépendantes de leur infrastructure historique et ne sont pas nombreuses à investir dans des plateformes digitales.
En effet, il n’y a pas toujours de nécessité à recruter des profils ayant des compétences agiles car les infrastructures à gérer sont, pour la plupart du temps, hébergées sur des plateformes legacy/mainframe qui ne se prêtent pas du tout aux méthodes agiles. Néanmoins, il est toujours possible de s’inspirer des outils et rituels agiles pour piloter ses équipes (management visuel, daily meeting, rétrospective pour présenter les nouveautés des logiciels avant les mises en production).
3. Une maîtrise d’ouvrage (MOA) dans la majorité des cas toujours dissociée de la maîtrise d’oeuvre (MOE)
De nombreuses organisations en ASF, logent toujours leur MOA en dehors de leur DSI alors qu’elles gagneraient énormément en les rapprochant. Cette pratique, très prônée par les méthodes agiles, permet de gagner en efficacité car les MOE interagissent directement avec les MOA et s’inscrivent dans une logique forte de co-construction/co-innovation. Cette première étape peut être considérée comme un prérequis pour les entreprises d’ASF et servira d’accélérateur lors de la mise en place d’une organisation agile.
4. Une culture d’entreprise non agile et très hiérarchisée au sein des DSI d’ASF
Il est encore très difficile de mener des projets en utilisant des méthodes agiles au sein des entreprises en ASF. Les organisations n’étant pas dédiées, il n’existe pas toujours de processus pour accélérer les prises de décisions. Les circuits classiques de prises de décisions ne sont pas du tout adaptés à ces nouveaux modes de fonctionnement qui nécessitent non seulement d’être agile mais aussi d’être en mesure de prendre des décisions rapidement pour ne pas retarder la conception des produits. Le time To market reste donc encore beaucoup trop long et est à optimiser de façon générale.
5. De nombreuses entreprises d’ASF ont leur DSI hors de cette zone
On constate aussi que certaines entreprises en ASF font le choix de ne pas recréer des DSI au sein des succursales/filiales en local. Elles dirigent ainsi toutes les opérations depuis la maison mère.
Quid du lieu d’hébergement des données dans ces cas ? L’UEMOA et la CEMAC n’imposent aucune restriction sur l’hébergement des données. Ainsi, il existe un correspondant IT qui joue ainsi le rôle de relais.
Malheureusement, ce type de dispositif a de nombreuses limites. Si on prend le cas d’une entreprise qui a son siège hors du continent Africain ou tout simplement au Maghreb, les besoins de ces populations et de celles de l’ASF ne sont pas du toujours les mêmes (exemple du mobile money qui connaît un grand succès en ASF et où le taux de bancarisation reste beaucoup trop faible).
En conclusion, les méthodes de gestion de projets traditionnelles sont les plus utilisées au sein des DSI en ASF au vu du manque de connaissances, d’organisations et de profils maîtrisant les nouvelles méthodes de gestion de projet agile.
Au vu des spécificités des marchés, de l’historique des systèmes d’information (legacy/mainframe) et de l’intérêt de plus en plus grandissant porté au continent Africain, les entreprises d’ASF gagneraient significativement à créer des DSI bimodale où méthode traditionnelle et méthode agile co-existeraient de façon bien distincte. On observe déjà quelques initiatives dans ce sens qui ont même déjà donné naissance à des produits innovants et qui sont clairement en train de redéfinir le paysage concurrentiel des marchés africains.
Source : Etude et sondage Club DSI